Hayek au Japon : la réception d’une pensée néolibérale

La réception de la pensée de Friedrich Hayek au Japon dépend naturellement de caractéristiques propres à l’histoire de la modernisation dans ce pays, à partir de la seconde moitié du xixe siècle. Le contexte géographique et culturel est-asiatique, les clichés attachés au Japon peuvent conduire à s’étonner du succès de la pensée de l’auteur représentant d’une forme de « néolibéralisme ». Mais des traits épistémologiques et philosophiques, dont la démonstration est proposée ici, rendent compte de ce fait frappant. Au pays de la vie organisée en groupes à tous niveaux, l’impact fut considérable des idées du théoricien de l’individualisme méthodologique, militant du libre-échange et héritier sans doute le plus fameux de l’école économique autrichienne. L’écho de la pensée du fondateur de l’école, Carl Menger (1840-1921) dont les archives sont en partie conservées au Japon s’y fait également entendre. Un pan de théorie économique du libéralisme au xxe siècle a ainsi rencontré, loin de sa base d’origine, une réception attentive au pays du Soleil levant.

Libéralisme ou démocratie ? Raymond Aron lecteur de Friedrich Hayek

Cet article revient en détail sur la critique du libéralisme de Friedrich Hayek délivrée par Raymond Aron, sur une période qui court des années 1940 au début des années 1980. A partir d’une relecture croisée des principaux textes de ces deux philosophes du second xxe siècle, il cherche à montrer que leurs oppositions – sur la place laissée aux libertés économiques, sur la définition même du concept de liberté et sur la manière d’envisager la démocratie – révèlent l’existence de deux voies profondément divergentes au sein du néolibéralisme contemporain : l’une qui se fonde sur un attachement primordial au marché et qui s’accompagne d’une méfiance prononcée à l’égard du régime démocratique ; l’autre qui se construit à l’inverse sur la base d’une confiance en la démocratie, conçue comme point d’aboutissement du libéralisme, et qui conduit à ne pas absolutiser le marché. Un réexamen de cette opposition peut ainsi permettre de sortir d’une vision étriquée et caricaturale du néolibéralisme, qui le réduit abusivement à une fermeture de l’espace des possibles politiques.

Une nouvelle approche de l’idéologie en économie

Cette contribution a pour objet de faire état d’une conception nouvelle de l’idéologie qui se démarque de l’approche sociologique, notamment celle de Marx. Cette dernière, comme on le sait, est soumise à certaines limites dont la principale est d’ordre logique, connue sous le nom de « paradoxe de Mannheim ». A cette approche, il lui est opposé une autre conception relevant d’une spécification cognitive de la connaissance, consistant à distinguer des principaux cadres de la pensée savante : les cadres scientifique, philosophique et idéologique. Ces stratégies cognitives de connaissance sont dénommées formes de pensée pures. Deux traits principaux caractérisent la forme de pensée idéologique : le premier octroie le rôle premier à la croyance vraie sur sa justification ; le second est l’explicitation du présupposé ontologique, articulant l’homme et la société. Cette nouvelle approche de l’idéologie permet non seulement de se défaire du paradoxe de Mannheim, mais aussi d’avoir une réelle portée opératoire qui peut être saisie travers de nombreux champs d’applications.

Sur l’antiphysicalisme de Hayek

Les positions épistémologiques de Hayek sont moins bien connues que ses théories économiques et sociales. En particulier, son « antiphysicalisme », c’est-à-dire la thèse épistémologique suivant laquelle la science économique ne saurait être abordée et développée comme une  » physique sociale « , mérite un examen minutieux. Je montre ici, en m’appuyant sur tout le corpus des textes où Hayek discute de questions épistémologiques et méthodologiques, et en particulier en me basant sur son ouvrage de neuropsychologie (The Sensory Order, 1952), que l’antiphysicalisme de Hayek peut être systématiquement reconstruit comme une véritable inférence dont les prémisses reposent, d’une part, sur une « théorie de la connaissance économique » et, d’autre part, sur une « ontologie constructiviste du social », et dont la conclusion méthodologique, inattendue peut-être, est un « dualisme faible.