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Jon Elster : un examen de sa lutte acharnée contre la théorie économique du choix rationnel

Par

Hervé Mauroy

Résumé

Célèbre chez les adeptes du recours à la psychologie aussi bien en sociologie qu’en économie (chez les économistes comportementaux en particulier), Jon Elster a cherché tout au long de sa carrière à mettre en cause le pouvoir explicatif de la Théorie économique du choix rationnel (TECR). Il a utilisé pour ce faire les apports d’auteurs toujours plus corrosifs. Il a fini même par expliquer que l’une des principales causes de l’échec de la TECR comme soubassement à des modèles explicatifs tenait à un mécanisme trop souvent passé sous silence : les hommes ont tendance à se duper eux-mêmes compte tenu de l’existence de besoins psychiques plus ou moins inconscients devant être satisfaits en sous-main. Mais Elster n’a jamais pu assumer toute la causticité de cette idée.

Début de l’article

Les économistes d’inspiration néo-classique utilisent comme prémisses à leurs modèles explicatifs la théorie économique du choix rationnel (TECR). Souvent conscients du caractère peu réaliste de celle-ci, ils se sont faits fréquemment adeptes d’une conception épistémologique particulière de leur champ disciplinaire qu’ils attribuent en général à Milton Friedman (1953) : les hypothèses d’un modèle, par exemple le caractère rationnel au sens de la TECR des agents, n’ont pas à être validées par l’observation. Elles ne font que jouer un rôle instrumental dans l’établissement de prévisions qui doivent, quant à elles, être testées. L’observation empirique servirait ainsi à repousser les théories qui ne donneraient pas de bonnes prédictions. Le fait que les hypothèses relatives à la TECR, dont la fonction serait purement instrumentale, soient vraies ou erronées n’importe pas ici : l’intérêt d’un modèle ne tiendrait qu’à la validité des prévisions qu’il permet.

Célèbre chez les adeptes du recours à la psychologie aussi bien en économie qu’en sociologie (plus encore dans l’hexagone depuis son long passage au Collège de France), Jon Elster a consacré sa carrière à la critique de la TECR sur la base d’une démarche multidisciplinaire. Pour lui, celle-ci aurait le tort de représenter de manière franchement erronée le fonctionnement psychique des hommes. Précurseur de l’économie comportementale et de la sociologie cognitive, Elster a fait à cette occasion des « mécanismes psychologiques » visant à expliquer les biais à la TECR (comme l’aversion aux pertes, la théorie de l’escompte hyperbolique, la théorie de l’écart d’empathie chaud-froid, la réactance, l’auto-empoisonnement de l’esprit, la transmutation de l’envie en indignation…) ses objets de recherche favoris…

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