Résumé
Réfléchir à l’idée de justice et de prise en compte des intérêts, notamment économiques, ouvre un champ d’étude considérable, même en prenant comme point de départ l’analyse juridique. Aussi pour tenter de circonscrire l’objet de cette recherche, le choix a été fait de partir d’une situation, provoquant la mise en tension de l’idée même de justice d’une manière originale et d’envisager une réponse juridique nouvelle. A cet égard, partir des catastrophes industrielles s’est imposé à plusieurs titres. D’une part, le phénomène est mondial puisque des catastrophes ont eu lieu tant dans des pays développés qu’en développement. D’autre part, il questionne l’idée de justice de manière complexe car les conséquences ne sont pas univoques et le profil des victimes est très divers. Enfin, les modalités d’intervention juridique pour réguler ces situations poussent à envisager un cadre transnational d’intervention cohérent avec la portée des catastrophes industrielles. Néanmoins, cette réglementation, au sein de traités négociés entre pays et qui relève du droit international économique ne fait pas figure d’évidence. Pour dépasser l’horizon national en matière de normes juridiques, il convenait donc d’identifier un concept à même de le justifier : la justice socio-environnementale.
Premières lignes
La difficulté majeure que soulève la survenance de catastrophe industrielles tient à la collision, à un instant précis de nombreux intérêts. Ces derniers sont de diverses sortes, il pourra s’agir d’intérêts économiques, tant pour les victimes individuelles que les entreprises par exemple. Il pourra encore s’agir d’intérêts politiques et là encore des nuances peuvent apparaître entre des associations et des acteurs publics. Face à cette pluralité d’intérêts parfois antagonistes, parfois convergents, très vite on pressent qu’établir ce qui serait une conception de la justice va peiner à émerger. A l’évidence des mécanismes juridiques pourront prendre en charge différents types de responsabilités, et intégrer des logiques de réparations plus ou moins importantes. En revanche, le sentiment, l’idéal de justice est un objectif qui semble beaucoup plus ardue à atteindre et à établir dans ce contexte.
La tâche n’en est pas moins possible à condition, sans doute, d’admettre une certaine conception de la justice et de l’appliquer, modestement, à une branche du droit afin de déjà vérifier la capacité d’un ensemble cohérent de normes à traduire cette conception de la justice.S’agissant d’une vision de la justice, à même de satisfaire cette rencontre d’intérêts si différents lors des catastrophes industrielles, le concept de justice socio-environnementale proposé par Marie-Ange Moreau gagne à être mobilisé. L’idée de justice ayant pour corollaire d’envisager l’injustice et les situations qui en relèvent, elle conduit également à placer au centre des préoccupations les responsables de ces nouveaux dommages…