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Le Dieu de Leibniz et l’entrepreneur capitaliste

Paul Rateau

Résumé

L’article vise à montrer les difficultés théoriques que soulève l’interprétation de Leibniz proposée par Jon Elster. L’analogie entre l’entrepreneur capitaliste et le Dieu leibnizien, pour séduisante qu’elle soit, apparaît fragile sinon superficielle. La conclusion évoque la nécessité de réintroduire le point de vue du « consommateur » pour définir l’optimum à atteindre, en esquissant un parallèle entre la théorie de l’équilibre général et la théodicée.

Début de l’article

Le titre donné par Jon Elster à son livre paru en 1975, Leibniz et la formation de l’esprit capitaliste, indique d’emblée une inspiration wébérienne. L’auteur le confirme en conclusion de son ouvrage, qu’il voit comme des « variations » proposées « sur un thème wébérien », mettant en rapport la genèse du « rationalisme philosophique » et celle de la « rationalité capitaliste » (Elster 1975a, 248). Les concepts et distinctions puisés chez le sociologue allemand de L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme sont en effet nombreux, même si d’autres emprunts sont aussi identifiables, notamment marxistes.

Le titre choisi par Elster suggère également un type de lecture particulier, original voire inattendu : le livre s’inscrit dans le cadre d’une interprétation socio-économique des doctrines philosophiques. Son ambition se veut cependant modeste : il ne s’agit pas de produire une « théorie générale des idéologies », mais « seulement une interprétation particulière d’un penseur qui pour de multiples raisons se prête particulièrement bien à une telle lecture externe » (Elster 1975a, 7). C’est dire qu’il n’est pas sûr que d’autres philosophes – Spinoza par exemple – s’y prêteraient, et que seules des « raisons spécifiques » justifient le choix de Leibniz.

Avant d’aborder ces « raisons », l’auteur entend répondre aux reproches prévisibles que suscitera son essai. Celui-ci ne manquera pas d’apparaître « doublement hérétique », par la lecture externaliste, socio-économique, qu’il propose d’une part, par le courant historiographique auquel il se rattache expressément, d’autre part :

Plan

  • 1. L’interprétation socio-économique de Jon Elster : présupposés et résultats
  • 2. Trois approches critiques : par la méthode, par l’économie et par la métaphysique
    1. 2.1. La méthode et l’usage du terme « économie »
    2. 2.2. Des objections tirées de l’économie et de la métaphysique

Mots-clés

Codes JEL : A12, B11, B15, B30, P10


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