Economie « sans esprit » et données cognitives

L’une des évolutions les plus spectaculaires de l’économie et des sciences de la décision est l’émergence et le développement rapide de l’économie dite « comportementale » et de la neuroéconomie. Ces domaines soulèvent plusieurs questions méthodologiques, dont certaines sont, aujourd’hui, discutées intensivement. L’une d’entre elles est la question de la pertinence épistémologique de données non-comportementales ou « cognitives », c’est-à-dire des données qui portent sur les processus et états cognitifs en jeu dans la prise de décision. F. Gul et W. Pesendorfer (2005/2008) ont sévèrement critiqué l’idée que ces données pourraient être pertinentes pour l’économie et les sciences de la décision. Leur critique est devenue le point focal d’une littérature méthodologique très active. Dans cet article, nous reconstruisons et discutons les thèses et les arguments de Gul et Pesendorfer. Si certains d’entre eux ne sont pas satisfaisants, ces auteurs mettent au jour, selon nous, une réelle difficulté que nous appelons le problème des liaisons manquantes et que nous discutons.