Adam Smith on Savages

Dans l’œuvre d’Adam Smith il y a une tension entre une appréciation positive des capacités intellectuelles et morales du sauvage et la caractérisation de la première étape de l’histoire humaine comme un état de besoin et d’isolement qui est la cause de l’incapacité de la société primitive d’évoluer vers les étapes suivantes. J’illustre comment le post-scepticisme de Smith le met en mesure de mieux comprendre les sauvages que la plupart de ses contemporains et j’essaie de dessiner une reconstruction de sa vision du sauvage sur la base de sa psychologie et théorie de la connaissance. J’explore les tensions qu’il découvre dans la société civilisée où les vertus de la maitrise de soi sont affaiblies et celles de l’humanité sont cultivées parmi des groupes différents de ceux au pouvoir, parmi lesquels, au contraire, la recherche insensée de la richesse et du pouvoir domine. Enfin, je discute la tension entre la vision smithienne du sauvage comme proto-philosophe et sa vue alternative du sauvage comme proto-marchand.

À propos des errances dans la réception japonaise de l’œuvre d’Adam Smith

La réception d’Adam Smith au Japon est l’occasion d’expériences variées de comparaison internationale et interdisciplinaire. Smith paraît ce que l’on pourrait déjà nommer un « philosophe-économiste » tout en étant regardé comme « l’économiste par excellence » et, au Japon aussi, le « professeur de tous les économistes ». Il continue d’y être considéré comme un représentant du libéralisme économique, ce qui prête à des erreurs et des errances que cet essai entend dénoncer. L’objet principal de ce texte est de présenter comment la doctrine smithienne a été conceptualisée au Japon sur les plans historique, social et intellectuel : ce n’est pas seulement la réception de sa théorie économique, mais aussi la relation à sa philosophie qui est questionnée.

Vanité, orgueil et self-deceit : l’estime de soi excessive dans la Théorie des Sentiments Moraux d’Adam Smith

Cet article étudie la façon dont Adam Smith répond à Mandeville dans sa Théorie des Sentiments Moraux sur le rôle de la vanité et de l’orgueil dans la dynamique économique et sociale des sociétés commerciales. Nous montrons pourquoi la vanité prend le pas sur l’orgueil dans son analyse et comment il offre une vision plus positive de ces deux passions. Nous analysons en particulier les conséquences économiques et sociales de l’orgueil et de la vanité, et décrivons les fondements psychologiques de l’estime de soi excessive que ces passions incarnent.

Smith face au « système de l’optimisme » de Leibniz

Le but de cet article est d’étudier en quoi la notion de système, développée par Smith, se différencie du système d’harmonie préétablie de Leibniz appelé aussi, au XVIIIe siècle, système de l’optimisme. Depuis les travaux de Jon Elster, nous connaissons l’influence du philosophe de Hanovre dans l’architectonique du capitalisme ou plutôt, devrions-nous ajouter, dans celle du laissez-faire. Nous savons, par ailleurs, qu’une controverse a opposé, au moment précis où Smith commençait à écrire son œuvre, les tenants du système de l’optimisme aux « newtoniens » dont les trois figures clés étaient en France d’Alembert et Condillac au plan épistémologique, Voltaire au niveau littéraire. Nous verrons que cette controverse, qui porte principalement sur le concept de liaisons ou de lois qui lient les éléments d’un système, traverse le siècle et prolonge celle qui a opposé Newton à Leibniz. Après avoir présenté le système de l’Optimisme, nous étudierons comment situer Smith dans ce débat. Pour cela, nous nous centrerons nos analyses sur trois points clés du système de l’optimisme : la notion de monade ; la notion même de système avec ses enjeux architectoniques, théoriques et politiques ; et enfin le problème de la maximisation. Cette étude nous conduira enfin à proposer une interprétation de la « main invisible » plus en empathie avec l’architectonique smithienne telle qu’elle se dévoile dans ce travail.

Adam Smith, précurseur des philosophies de l’histoire

L’œuvre smithienne doit être lue comme un système reposant sur des principes épistémiques clairement identifiés unifiant les différents champs exploratoires : la morale, le droit et l’économie. Ces principes renvoient à la vision du monde d’Adam Smith, dans laquelle le Créateur a conçu les éléments du système, et particulièrement les hommes, de telle sorte qu’ils remplissent naturellement ses objectifs. Cette conception téléologique s’applique à l’histoire et à sa philosophie, dans des termes qui trouveront écho chez Kant et Hegel. L’articulation de l’histoire et de l’économie permet de définir un cours idéal du développement économique, mais aussi de comprendre la formation de cycles historiques qui marquent la lente et progressive marche vers le Progrès. Les tensions entre un cours idéal et un cours réel de l’histoire invitent alors à réinterpréter ses positions sur l’Etat et sa place dans la société marchande.