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Il est communément admis que les philosophes de l’Antiquité grecque et romaine ont déprécié les activités économiques et l’accumulation de richesses matérielles, estimant qu’elles sont moralement dangereuses : directement liées à la satisfaction des désirs et des intérêts, elles conduiraient inéluctablement à des passions et des actions contraires au bien. Ce verdict est globalement juste et cette situation est aisément compréhensible dans une culture et un imaginaire collectif qui invitent à la méfiance à l’égard de l’argent, des échanges et du commerce, et même du travail rétribué. Au iv e siècle encore – alors que le v e siècle avait confirmé le développement des échanges et de l’industrie et vu, par exemple, l’apparition du prêt à intérêt –, on note de fortes réserves à l’égard des activités liées à l’argent, en particulier les activités spéculatives. C’est le cas chez Aristote, on y reviendra, mais aussi dans des textes plus favorables à l’enrichissement personnel, comme l’Économique de Xénophon. Socrate, dans la seconde partie du traité, s’entretient avec un riche propriétaire, Ischomaque, qui passe pour quelqu’un de « bien », à la fois par sa position sociale et par ses qualités morales (c’est un καλός κἀγαθός). Il peut en effet se targuer d’administrer son domaine avec ordre et efficacité, grâce à un mode de vie particulièrement sain et à une connaissance parfaite de l’agriculture. Ischomaque concilie ainsi l’augmentation de ses biens matériels avec une conduite personnelle modérée – y compris avec ses esclaves et sa femme – et avec se…