Début de l’article
La valeur du livre que Nicolas Brisset a fait paraître chez Routledge est certainement à la hauteur de ses très grandes ambitions. Car ce livre particulièrement érudit, écrit par un jeune économiste maniant le concept avec aisance, étonne en effet par sa maitrise des réflexions épistémologiques les plus pointues. Il pourrait d’ailleurs figurer dans une collection de philosophie : il s’agit d’un très beau texte de philosophie économique, écrit par un économiste très informé des débats qui ont cours tant dans sa propre discipline qu’en philosophie et en sociologie. De fait, le sujet du livre – la performativité de l’économie – requérait ce croisement disciplinaire, puisque l’auteur y entreprend d’analyser l’utilisation devenue récurrente du concept de « performativité », issu de la philosophie du langage, en économie et, plus encore, en sociologie économique.
L’idée de performativité économique, développée par l’école sociologique proche des idées de Michel Callon et qualifiée de « performativiste » par Brisset, entend repenser les relations entre les théories économiques et les pratiques économiques : suivant cette idée, les économistes façonneraient des outils théoriques tels que la réalité économique en viendrait à se conformer aux modèles qu’ils avancent, à la façon dont le verdict d’un juge rend l’accusé coupable.
Ce nouveau modèle d’analyse de l’efficacité performative de l’économie (comme science ou comme discours) suscite un intérêt croissant et se développe rapidement, comme en témoignent plusieurs publications récente…