Résumé
La figure de l’entrepreneur est aujourd’hui utilisée dans une grande variété de discours publics. Ce travail cherche à remonter à l’une des sources théoriques de la constitution de cette figure : la théorie de l’entrepreneur de Schumpeter (1911a et 1911b). Ce retour montre que Schumpeter, dans son contexte intellectuel et théorique, est amené à importer une anthropologie philosophique en économie, celle de Nietzsche, auteur largement lu dans l’Autriche du début du xxe siècle. En transposant, à l’intérieur de sa théorie économique, certaines caractéristiques majeures du grand homme créatif nietzschéen dans la figure de l’entrepreneur, Schumpeter développe une explication originale de la nature dynamique du marché et de l’évolution économique. Néanmoins il importe aussi de Nietzsche une série d’ambiguïtés, notamment en ce qui concerne l’origine de l’exceptionnalité individuelle de l’entrepreneur, et plus particulièrement de sa puissance créatrice. Une seconde ambiguïté est très largement héritée, qui concerne l’extension du modèle de l’individu entrepreneur : constitue-t-il une théorie de l’action valable pour tous les individus ou uniquement pour un type d’individus particuliers ? Comment concilier exceptionnalité de l’entrepreneur et norme d’un entreprenariat pour tous ? La dernière partie de ce travail s’attache ainsi à explorer ces ambiguïtés, qui apparaissent chez Schumpeter et ses successeurs, notamment Israël Kirzner.
Mots-clefs
Nietzsche (Friedrich) ; Schumpeter (Joseph) ; Kirzner (Israël) ; Entrepreneur ; Néolibéralisme