La vie collective est organisée par des normes. Si celles-ci se manifestent à l’observateur comme des régularités observables, elles constituent pour les agents des règles à suivre. Les normes ordonnent les pratiques et orientent les jugements. Elles s’imposent, pour cette raison, comme un objet d’étude privilégié, et comme un instrument d’analyse indispensable pour les sciences sociales (Ogien 2011). Les recherches qui y sont consacrées doivent affronter une double difficulté.
Il faut, tout d’abord, rendre compte de la spécificité des normes, qui est contestée. Les travaux contemporains en théorie sociale et en philosophie des sciences sociales s’accordent certes, dans leur diversité, pour reconnaître qu’elles ne sont pas de simples régularités, car elles ont une dimension normative : elles exigent quelque chose des agents. Ils s’entendent également pour affirmer que les normes sociales, morales et juridiques ne doivent pas être confondues, même si certaines règles relèvent simultanément de plusieurs de ces registres. Les normes sociales se distinguent des normes exclusivement morales, car leur efficacité dépend de leur acceptation dans une société particulière, et non de leur validité objective. Elles se distinguent en outre des normes purement légales, car leur définition, leur évolution et leur application contraignante ne sont pas délibérément assurées par une institution sociale spécialisée. Là s’arrête toutefois l’accord : les représentations théoriques concurrentes des normes qui s’affrontent aujourd’hui offrent des descriptions contrastées de cette double démarcation et des différents types d…