(Traduit par Kaori Kasaï)
Au Japon, ce sont deux universitaires de Hitotsubashi (l’université s’appela d’abord « École supérieure de commerce de Tokyo », puis « université du commerce de Tokyo »), les économistes Kiichirô Sôda (1881-1927) et Kôzô Sugimura (1895-1948), qui fondèrent la philosophie économique et qui l’établirent comme une discipline neuve. Les travaux de Sôda étaient déjà reconnus à l’international et, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, leurs noms devaient systématiquement être associés dans les articles qui explicitaient ce que les dictionnaires japonais spécialisés nommaient alors déjà « philosophie économique » – cela est resté la source originelle de ce champ même si, depuis lors, le terme a disparu des pages des ouvrages de référence. Or, dans la situation actuelle de la philosophie économique, les travaux de ces deux économistes manifestent une étonnante modernité, notamment sur les points que nous aborderons dans les pages suivantes.
En premier lieu, parmi les courants scientifiques et idéologiques de leur époque, c’est la position prise par ces deux économistes qui mérite notre attention. Au Japon, la philosophie économique a commencé dans les réflexions engendrées par l’introduction de la philosophie allemande, qui y jouit d’un renom certain quoique fluctuant du milieu du xix e siècle jusqu’au début du xx e siècle. À la même époque, en Allemagne, on avait déjà perdu toute confiance dans l’idéalisme comme dans le positivisme, ce qui laissa place au renouveau de la pensée critique issue de la philosophie de Kant ; celle-ci faisait son retour marqué à la suite des travaux d’Otto Liebmann …