Anthropologie économique. Cours au Collège de France, 1992-1993, Pierre Bourdieu (Paris, Seuil, 2017)
Je commencerai cette note de recension par un remerciement. Le travail que les éditeurs des cours au Collège de France de Pierre Bourdieu ont entamé en 2012, date de publication du cours intitulé Sur l’État (Bourdieu 2012), est non seulement remarquable de précision, mais également des plus profitables pour les générations qui, comme la mienne, n’ont pas eu l’occasion d’entendre le sociologue de son vivant. On pourrait poser la question de la légitimité de cette entreprise, tant il est quelquefois assez déstabilisant de lire un exposé oral dans lequel l’orateur concède dire ce qu’il dit uniquement dans la mesure où la chose est dite et non écrite. Fallait-il brûler retranscriptions et enregistrements ? La réponse s’impose à la lecture des cinq volumes publiés à ce jour : non. Ces ouvrages apportent un éclairage précieux sur la pensée de Bourdieu, mais également sur sa manière de concevoir ses arguments, sa manière d’hésiter, de revenir en arrière, de se positionner en face de ses contemporains. La lecture d’Anthropologie économique marque particulièrement par l’intérêt et la connaissance dont Bourdieu fait montre à l’égard des économistes de son temps, qu’il lit, décortique, et dont il s’inspire. De quoi alimenter le débat relatif à son « économicisme ». Nous y reviendrons.
L’ouvrage est riche et se compose de deux parties principales : la première traite de la question de l’analyse théorique du don, la seconde expose la théorie bourdieusienne de l’économie comme ensemble de champs…