Cet article revient en détail sur la critique du libéralisme de Friedrich Hayek délivrée par Raymond Aron, sur une période qui court des années 1940 au début des années 1980. A partir d’une relecture croisée des principaux textes de ces deux philosophes du second xxe siècle, il cherche à montrer que leurs oppositions – sur la place laissée aux libertés économiques, sur la définition même du concept de liberté et sur la manière d’envisager la démocratie – révèlent l’existence de deux voies profondément divergentes au sein du néolibéralisme contemporain : l’une qui se fonde sur un attachement primordial au marché et qui s’accompagne d’une méfiance prononcée à l’égard du régime démocratique ; l’autre qui se construit à l’inverse sur la base d’une confiance en la démocratie, conçue comme point d’aboutissement du libéralisme, et qui conduit à ne pas absolutiser le marché. Un réexamen de cette opposition peut ainsi permettre de sortir d’une vision étriquée et caricaturale du néolibéralisme, qui le réduit abusivement à une fermeture de l’espace des possibles politiques.