Le but de cet article est d’étudier en quoi la notion de système, développée par Smith, se différencie du système d’harmonie préétablie de Leibniz appelé aussi, au XVIIIe siècle, système de l’optimisme. Depuis les travaux de Jon Elster, nous connaissons l’influence du philosophe de Hanovre dans l’architectonique du capitalisme ou plutôt, devrions-nous ajouter, dans celle du laissez-faire. Nous savons, par ailleurs, qu’une controverse a opposé, au moment précis où Smith commençait à écrire son œuvre, les tenants du système de l’optimisme aux « newtoniens » dont les trois figures clés étaient en France d’Alembert et Condillac au plan épistémologique, Voltaire au niveau littéraire. Nous verrons que cette controverse, qui porte principalement sur le concept de liaisons ou de lois qui lient les éléments d’un système, traverse le siècle et prolonge celle qui a opposé Newton à Leibniz. Après avoir présenté le système de l’Optimisme, nous étudierons comment situer Smith dans ce débat. Pour cela, nous nous centrerons nos analyses sur trois points clés du système de l’optimisme : la notion de monade ; la notion même de système avec ses enjeux architectoniques, théoriques et politiques ; et enfin le problème de la maximisation. Cette étude nous conduira enfin à proposer une interprétation de la « main invisible » plus en empathie avec l’architectonique smithienne telle qu’elle se dévoile dans ce travail.
Étiquette : Main invisible
Adam Smith, précurseur des philosophies de l’histoire
L’œuvre smithienne doit être lue comme un système reposant sur des principes épistémiques clairement identifiés unifiant les différents champs exploratoires : la morale, le droit et l’économie. Ces principes renvoient à la vision du monde d’Adam Smith, dans laquelle le Créateur a conçu les éléments du système, et particulièrement les hommes, de telle sorte qu’ils remplissent naturellement ses objectifs. Cette conception téléologique s’applique à l’histoire et à sa philosophie, dans des termes qui trouveront écho chez Kant et Hegel. L’articulation de l’histoire et de l’économie permet de définir un cours idéal du développement économique, mais aussi de comprendre la formation de cycles historiques qui marquent la lente et progressive marche vers le Progrès. Les tensions entre un cours idéal et un cours réel de l’histoire invitent alors à réinterpréter ses positions sur l’Etat et sa place dans la société marchande.