Lorsque l’économie comportementale a voulu s’inspirer des recherches sur l’empathie pour modifier le modèle de l’homo œconomicus en interaction, elle s’est heurtée à l’impossibilité de penser les émotions dans le cadre d’une théorie des préférences sociales toujours ancrée dans la rationalité du modèle individualiste interactionniste de la théorie des jeux. Cette impossibilité est due au fait que la théorie des jeux tout d’abord, puis l’économie comportementale ensuite, n’ont pas voulu remettre en question l’objectif fondamental de l’individu lorsqu’il agit en interaction avec les autres. Or, se pencher sur la question des émotions et de l’empathie émotionnelle en particulier devait amener à remettre en question les ressorts du comportement. Que nous disent en effet les autres sciences du comportement ? Que si la survie de l’organisme est sans doute un objectif fondamental et commun à tous les êtres vivants, ce dernier tire par ailleurs sa spécificité de mécanismes fondamentaux et pré-câblés qui le spécialisent pour la vie en interaction avec ses semblables. Grâce à ces mécanismes fondamentaux l’espèce humaine a pu élaborer des modes de coopération productifs et sociétaux à grande échelle. Nous proposons en conséquence un changement de perspective en économie comportementale qui permettrait de considérer que l’objectif ultime de l’individu en société n’est pas d’assurer sa survie et ses besoins, mais de créer et d’entretenir le lien aux autres.