Sur l’antiphysicalisme de Hayek

Les positions épistémologiques de Hayek sont moins bien connues que ses théories économiques et sociales. En particulier, son « antiphysicalisme », c’est-à-dire la thèse épistémologique suivant laquelle la science économique ne saurait être abordée et développée comme une  » physique sociale « , mérite un examen minutieux. Je montre ici, en m’appuyant sur tout le corpus des textes où Hayek discute de questions épistémologiques et méthodologiques, et en particulier en me basant sur son ouvrage de neuropsychologie (The Sensory Order, 1952), que l’antiphysicalisme de Hayek peut être systématiquement reconstruit comme une véritable inférence dont les prémisses reposent, d’une part, sur une « théorie de la connaissance économique » et, d’autre part, sur une « ontologie constructiviste du social », et dont la conclusion méthodologique, inattendue peut-être, est un « dualisme faible.

« Le mirage de la justice sociale » : faut-il craindre qu’Hayek n’ait raison ?

En matière de justice sociale, la position de Hayek suscite un commentaire ambivalent : sous-produit d’une démarche évolutionniste, sa cohérence et son réalisme sont difficiles à prendre en défaut ; conséquence de fortes convictions libérales, la formulation adoptée est souvent provocante. A l’égard du  » mirage de la justice sociale « , on soutiendra ici que le point de vue hayékien est moins radical qu’il n’y paraît : d’une part, les règles abstraites de justice traduisent, par leur impartialité, une conception exigeante de la justice en société, d’autre part le souci de Hayek d’amortir le risque du marché pourrait être mieux satisfait par une réelle allocation universelle que par le revenu minimum que lui-même préconise.