Entre l’homme obligé et l’homme capable : la responsabilité de l’entrepreneur social. Eléments de réflexion philosophique

L’entreprenariat social nous engage dans deux formes de responsabilité, l’une obligataire, qui ressortit au registre juridique et moral, l’autre mondaine ou cosmologique, qui ressortit au registre de l’action et de la création. La pratique entrepreneuriale en tant que telle honore prioritairement la responsabilité cosmologique, tandis que la dimension sociale de cette pratique réfère, quant à elle, au caractère obligataire. Dans cet article, nous proposons de revenir sur la généalogie de ces deux acceptions fondamentales de la responsabilité, qui ont trouvé dans le kantisme à la fois leur lieu de formulation philosophique et leur point de bifurcation, mais aussi de dégager la portée et les limites de leur dialectisation dans l’activité sociale-entrepreneuriale aujourd’hui. Nous montrons que la première convoque en son sein plusieurs traditions de philosophie morale impliquant différentes extensions du concept, ce qui oblige à nous interroger sur sa propre opérabilité. La seconde, que nous aurons à cœur d’illustrer en rapportant certains discours d’entrepreneurs, a été davantage honorée à l’époque contemporaine par les approches phénoménologiques et de philosophie de l’action de tendance analytique. Nous terminons en envisageant la possibilité pour l’entrepreneur social de s’extraire de cet atermoiement entre deux formes de responsabilité dans le contexte actuel, naguère anticipé par Hans Jonas et dont témoignent aujourd’hui le succès des thèmes de l’écologie politique et du développement durable, opérant ainsi un renversement du rapport de l’action humaine à la peur de l’avenir – peur à laquelle s’est substituée au fil du temps la projection raisonnée d’un futur malheureux, toutes choses égales ailleurs.

Fondements pragmatistes de l’institutionnalisme en économie. Théorie de la connaissance et théorie de l’action chez Veblen et Commons

Cet article a pour objectif de montrer que l’institutionnalisme de Veblen et Commons est une traduction originale du pragmatisme philosophique en science sociale. Ce lien entre pragmatisme et institutionnalisme est analysé à deux niveaux dont nous soulignons la continuité : le premier concerne la conception de la science et de la réalité ; le second concerne la conception de la rationalité économique et du comportement humain en société. Nous montrons que la vision pragmatiste des processus de pensée liés à l’action et à l’expérience implique un renouvellement tant de la méthode que de l’objet de connaissance qui caractérise l’institutionnalisme en économie.

L’économie des conventions : une lecture critique à partir de la philosophie pragmatiste de John Dewey

L’économie des conventions a émergé, en France, dans les années 1980, comme un projet de recherche ambitieux qui rejette la conception utilitariste de la rationalité et introduit la référence à la convention, sans en proposer une définition stabilisée. Le travail de clarification des concepts fondamentaux mobilisés par ce courant, qui est entrepris dans cet article, conduit à considérer que ce terme désigne une méthode de recherche. Le chercheur qui ‘fait de l’économie des conventions’ est confronté à la question méthodologique de la présence des institutions dans l’action et à la question politique de l’évaluation et de l’amélioration des dispositifs institutionnels. Cet article entend montrer comment la philosophie pragmatiste de John Dewey aide à répondre à ces questions.