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Le partage des raisons

Véronique Munoz-Darde

Résumé

Pour une théorie de la justice comme équité, l’accusation la plus dommageable est celle selon laquelle les prémisses normatives de la théorie seraient d’emblée inéquitables. Or c’est précisément un doute de ce type qui fut formulé dès la publication de la Théorie de la justice, et qui conduisit en particulier Thomas Nagel à demander si la liste des biens premiers distribués par les principes de la justice rawlsiens aurait été élaborée à partir de prémisses biaisées et inéquitables. C’est cette critique qui nous occupe, avec une attention particulière à la réponse apportée par Rawls dans ses derniers écrits et dans sa définition d’un libéralisme dit « politique ». Alors que la plupart des critiques ont considéré que Rawls opérait un retrait, limant de sa théorie beaucoup de ce qui la rendait ambitieuse et égalitaire, au profit d’une plus grande attention au pluralisme des valeurs, il faut au contraire voir dans cette évolution la volonté d’approfondir l’intention libérale initiale de la théorie rawlsienne de respecter les individus et les différences individuelles. Le libéralisme politique part des raisons que nous partageons, quelle que soient nos valeurs et notre conception de la vie bonne, pour construire un cadre de justice dans lequel nous puissions tous nous épanouir. Il vise donc à réconcilier l’attrait de l’égalitarisme avec le respect dû à chaque personne en étendant la sollicitude à l’égard de chaque personne à l’exigence de justification égale des principes de justice aux individus.

Mots-clés

biens premiers, liberté, libéralisme

Classification JEL : B31.